Des formes pures, un unique matériau, Nadine Portier crée des objets en béton à la frontière du décor et de l’utile.
Comme un jardin en ville se décline en table d’appoint, tabouret, chevet…
MBB : Toutes vos créations sont réalisées en béton. Pourquoi ce parti pris radical pour un matériau ?
Nadine Portier : Le béton possède un pouvoir évocateur fort. C'est une référence directe à l'univers de la construction dont je me sens proche puisque je suis architecte de formation. Il est par ailleurs chargé de connotations négatives comme le symbole d'une urbanisation à outrance. Le béton ne laisse pas indifférent, c'est une matière à polémique: je trouvais intéressant dans mon travail de jouer sur ces a priori et d'en prendre le contre-pied en lui trouvant une fonction antinomique, contradictoire. .
Jouer sur l'ambiguïté de la matière, de la forme, de la fonction ; jouer à la frontière du décor et de l'utile.
MBB : On sent chez vous un attachement presque sentimental à cette matière ?
Nadine Portier : le béton est une matière délicate à travailler, mais oh combien riche de qualités plastiques et esthétiques, sorte de pâte à modeler ou à couler riche en sensations, en émotions, en imprévus. Il faut jouer avec les contraintes techniques de sa mise en œuvre et les transformer en atouts. C'est toujours un équilibre subtil, un mélange à fabriquer, à composer, dont on ne maîtrise pas forcément les nuances et les teintes. C'est une matière attendrissante, où finalement chaque imperfection marque la différence et affirme la singularité d'une pièce. Une matière où rien n'est parfait, où tout est toujours ... "presque".
MBB : Qu'est ce qui a guidé votre démarche créative ?
Nadine Portier : J'aime quand le design flirte avec l'art. Chacune de mes créations raconte une histoire pour peu que l'on y prête l'oreille. Ce qui m'intéresse avant tout, c'est le processus créatif partant d'une idée, d'un concept, de quelque chose qui nous touche, nous interpelle pour le mettre en forme. De là influent probablement ma formation d'architecte et ma passion pour le travail sur la limite entre l'art et l'architecture. Ensuite une attirance pour des lieux, des espaces, des ambiances, des matières ignorées, dénigrées ; une affection pour le langage industriel, portuaire avec ses tôles, ses rails, son béton, tout un monde riche en sens et en textures,en émotions, avec ses couleurs, ses lumières, ses bruits. Mon travail reprend finalement le vocabulaire, les codes les techniques du bâtiment, une esthétique de « chantier ». Par son expression élémentaire, son langage dépouillé, chaque objet est en fait un extrait d'architecture réintégré au cœur de la maison.