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Matali Crasset envisage le design comme une recherche. Elle questionne l'évidence des codes qui régissent notre vie quotidienne pour mieux s'en affranchir et expérimenter. Une réflexion qu'elle mène aussi avec Concrete pour trouver une ligne d'expression propre au béton.
Matali Crasset est l'un des designers industriels français les plus en vue. Le béton est un matériau qu'elle a régulièrement mis à l'honneur dans ses réalisations : les extérieurs et intérieurs en béton brut de l'hôtel Dar Hi à Defta en Tunisie, la Sleg House à Nice, ou plus récemment dans sa collaboration avec CONCRETE by LCDA. Interview.
MBB : Quel rôle exercez-vous comme Directrice artistique de CONCRETE BY LCDA ?
Matali Crasset : Celui d'œil extérieur. Je dois ensuite imaginer les directions susceptibles de se matérialiser par des nouvelles collections. Mais attention, l'enjeu n'est pas de dire : On va créer ceci ou cela de nouveau... L'idée est de tracer une ligne en ayant autant soin de la pérenniser que d'ancrer cette recherche dans un savoir-faire original. Cela suppose autant de se projeter vers l'avant que de regarder en arrière, pour comprendre l'évolution de ce savoir-faire et saisir la perception même du béton par le public. C'est un travail en profondeur. L'idée est de s'appuyer sur cette connaissance et cette part sensible pour opérer des choix et construire une offre qui fait sens.
MBB : Quelle est cette perception d'après vous ?
M. C. : Elle est l'héritière d'une culture liée à l'architecture, très orientée béton brut. Le public n'est pas aussi adepte qu'on le croit de solutions teintées. L'idée est donc de retrouver l'âme du béton, de revendiquer la beauté de son état brut, tout en marquant une transition entre l'intérieur et l'extérieur.
MBB : Pouvez-vous nous en dire plus sur les collections déjà proposées et présentées au dernier salon MAISON&OBJET ?
M. C. : Nous avons mis au point différents types d'éléments prêts à poser pour les murs et sols intérieurs. Il s'agit notamment de pans béton qui reprennent le rythme du mur banché en laissant apparaître la trace du coffrage. Nous avons également développé un modèle de dalle qui offre une alternative à la fois résolument fonctionnelle et pérenne au sol coulé en béton. Avec notre système de claustra en béton, nous explorons une autre piste qui consiste au contraire à quitter les parements pour faire entrer la modularité dans l'espace habité. Il s'agit de proposer les nouveaux éléments structurants de l'intérieur, toujours dans cette idée de rendre au béton sa propre nature.
MBB : Et pour ce qui est des projets ?
M. C. : Nous allons développer une ligne spécifique baptisée CONCRETE COLLECTION qui proposera l'édition de mobilier et d'objets contemporains en béton (tables, consoles, sièges, miroirs, lampes…). Cette deuxième phase implique un important travail de recherche et de validation pour mettre au point les process aptes à lier série et qualité sur mesure, pour juger de la réceptivité des gens, établir une politique commerciale et un mode de diffusion adaptés, etc. Nous ne nous sentons pas obligé de sortir une collection tous les six mois. Nous n'allons pas présenter des prototypes comme c'est devenu trop souvent la règle. Nous voulons mûrir les choses. L'idée est de donner le temps à la création.
MBB : En tant que directrice artistique, ferez-vous appel aux talents d'autres designers ?
M. C. : Nous ouvrons ce chantier à d'autres designers européens susceptibles d'avoir cette sensibilité là. Nous allons créer une plateforme de collaborations dédiée à la culture du béton (CONCRETE HUB). L'objectif est de favoriser les échanges avec d'autres univers, notamment dans l'art contemporain. Nous allons aussi inviter des jeunes designers professionnels à imaginer des process innovants (CONCRETE LAB). L'idée est de gagner un savoir-faire via l'expérimentation.
MBB : Á propos d'expérience, que vous apporte cette collaboration avec CONCRETE BY LCDA dans votre parcours de designer ?
M. C. : Leur hyper spécialisation autour du béton et le fait qu'ils maîtrisent leur propre outil de fabrication, en font un cas à part. Tous les savoir-faire sont regroupés au même endroit. C'est une chance dans la mesure où cela permet de mener une réflexion approfondie et d'envisager des projets en poussant les limites si on le désire. Le potentiel est plus grand. Le design, ce n'est pas simplement de dire : voilà un objet, fabriquez-le ! Chacun a son savoir-faire bien défini. Il est crucial de se concerter à toutes les étapes du projet. De travailler dans un esprit de collégialité. Ici, toutes les conditions d'un vrai échange sont réunies.
Pour en savoir plus :
- Voir le site de Matali Crasset
- Voir l'interview LCDA / Matali Crasset
Le béton est une matière qui est un des fondements de la modernité : il a permis d'installer de nouvelles logiques, il a permis une rupture. C'est une matière très appropriable, il devient le vecteur d'approche de chacun : Tadao Ando lui donne de la noblesse, Niemeyer de la sensualité...le béton, c'est sans cesse réinventer.